« Il y a bien longtemps sur une lande desséchée, se trouvait un arbre extraordinaire… Il était très vieux, aussi vieux, disait-on, que la Terre, et il donnait des fruits merveilleux, dorés, luisants comme des soleils. Ces fruits faisaient ployer deux énormes branches. Hélas, personne n’osait profiter de ce don du ciel, car la légende disait qu’une de ces branches portait des fruits empoisonnés, et on ignorait laquelle. Dans le doute, tous salivaient donc devant ces fruits offerts, mais personne n’y touchait.

Vinrent des temps de famine. Un printemps trop glacial ravagea les vergers, un été trop sec brûla la moisson. Seul le vieil arbre portait ses fruits, plus beaux que jamais. Alors les villageois se rassemblèrent autour de ses branches, l’envie au cœur. Il leur fallait choisir : risquer la mort en mangeant les mauvais fruits, ou mourir de faim en n’y touchant pas. Ils tournaient autour de l’arbre, indécis, lorsqu’un vieil homme, que plus rien ne rattachait à la vie, osa faire le geste. Il saisit un fruit d’une branche et mordit à pleines dents. Tous le regardèrent. Puis, voyant qu’il croquait et croquait encore, ils se précipitèrent pour se nourrir à leur tour. La chair était suave, elle rassasiait de la faim comme de la soif. Et miracle ! Au fur et à mesure qu’on les cueillait, d’autres fruits repoussaient.

Durant plusieurs jours, la population du village festoya en riant de sa peur passée. Dire qu’ils avaient failli mourir de faim à cause de l’autre branche empoisonnée ! À quoi bon, d’ailleurs, garder cette branche, aussi inutile que dangereuse ? À la nuit tombée, ils prirent une hache et la coupèrent au ras du tronc.

Hélas, lorsqu’ils revinrent le lendemain, tous les fruits étaient tombés. Ils pourrissaient sur le sol. Et l’arbre, le bel arbre aussi vieux que la Terre, était mort. »

Voilà ce que raconte ce vieux conte indien.

C’est par l’hypnose que j’ai commencé ma formation de thérapeute et j’ai été émerveillée des bons résultats rapidement obtenus. Je me suis ensuite intéressée à la thérapie systémique stratégique, ce modèle que beaucoup d’entre vous connaissent, où le concept central est la notion de tentatives de solution.

L’idée est très simple à comprendre (et bien moins simple à appliquer) : les personnes pour tenter de résoudre une difficulté peuvent mettre en place des solutions qui n’en sont pas, et qui vont maintenir et/ou aggraver le problème. Notre travail consiste alors à arrêter ses tentatives de solution, par des recadrages, des prescriptions de tâches, qui empêchent les personnes de faire plus de la même chose, et permettre qu’une solution alternative émerge.

Alors, comment accorder l’hypnose telle que j’avais appris, « orientée solution », positive, et la thérapie systémique stratégique, avec ses prescriptions souvent paradoxales ? Est-ce que je ne risquais pas d’aggraver certaines situations ? Comment ne pas appuyer sur le frein et l’accélérateur en même temps ?

Ce n’est qu’une fois que j’ai pu mieux comprendre comment s’organisaient différents niveaux logiques, que j’ai pu trouver la place de l’hypnose dans le cadre de référence qui était le mien dorénavant, celui de la thérapie systémique stratégique.

Si nous imaginons que tout en haut d’une pyramide nous avons la vision de ce que nous faisons, notre épistémologie, le constructivisme, la cybernétique, au milieu nous avons le niveau de la stratégie, en accord avec cette vision – pour nous, résoudre les problèmes en coupant les tentatives de solution inopérantes. Et finalement tout en bas cette large base où nous pouvons trouver les outils, quels qu’ils soient du moment qu’ils servent la stratégie – l’hypnose y compris.

De cette manière, si l’hypnose était déjà très utile lors de la vente des tâches, où ce mode de communication particulier peut augmenter la collaboration du patient pour suivre les prescriptions, elle pourrait être plus directement impliquée dans le processus de changement.

Je me débattais encore avec ces questions quand :

Madame H*

Madame H*, 48 ans, vient consulter pour apprendre la relaxation, qu’elle assimile à de l’hypnose. Il y a quatre ans, elle a perdu son mari brusquement dans un accident. Elle, qui n’avait jamais été quelqu’un de détendu, a commencé à avoir beaucoup d’angoisses. Elle s’était toujours appuyée sur son mari pour les grandes (et aussi les petites) décisions, comment faire face maintenant ? La douleur de la perte s’est estompée avec le temps, mais les inquiétudes, elles, se sont aggravées : soit elle avait du mal à dormir, soit elle dormait trop, elle avait des idées noires, des crises de pleurs. Elle m’explique qu’elle a fait une grande dépression, sentait que la vie était trop lourde pour elle, a dû arrêter de travailler.

Un jour, où le laisser-aller à la maison avait dépassé toutes les limites, elle s’est décidée à ranger et nettoyer un peu. Une fois qu’elle l’a fait, pour la première fois depuis longtemps elle s’est sentie si bien ! Alors le lendemain, elle a recommencé. Pendant qu’elle frottait et aspirait, elle ne pensait plus à tous les problèmes, à toutes ces choses à résoudre. Et c’est ainsi qu’elle s’est sortie de la dépression.

Mais ce qui était une solution… s’est vite transformé en autre problème. Elle sent que depuis quelques mois elle est devenue maniaque, elle nettoie mais l’angoisse, sourde, qu’elle n’arrive pas à nommer, revient, sa fille est excédée et menace de partir de la maison si ça continue. Elle se demande : « est-ce que j’ai un TOC ? ».

Elle me décrit en détail comment cela se passe :  elle glisse ses doigts sur les meubles, les hauts de porte, les chambranles, le sol, les bibelots, enfin, partout, et dès qu’elle sent quelques grains de poussière – c’est âpre aux bouts des doigts – alors cela s’emballe, elle doit se laver la main, et ensuite frotter, épousseter, nettoyer, laver, astiquer. Elle sait que c’est excessif, mais elle craint que l’angoisse ne la submerge si elle ne le fait pas. Et cela recommence chaque jour, parfois plusieurs fois par jour.

Alors elle vient pour apprendre à se relaxer pour être moins angoissée.

Nous échangeons sur la question de la relaxation :

– Qu’il semblerait que dans certains cas des études prouvent que le cerveau peut avoir besoin d’examiner les choses pour se calmer pour du bon et

– Que si elle est d’accord nous allons installer les conditions pour que cette relaxation advienne.

– Et aussi qu’une relaxation profonde vient souvent d’un contraste entre tension et détente – donc pour atteindre un certain degré de relaxation, il peut être nécessaire de faire monter d’abord la tension avant d’aller vers la détente. Comme un muscle que l’on contracte fort, pour qu’il se relâche ensuite complètement.

Elle écoute avec intérêt, et me dit qu’elle n’avait pas vu les choses comme ça, que cela faisait sens pour elle.

J’ajoute que c’est un processus qui se construit, auquel on doit s’entrainer. Serait-elle d’accord pour pratiquer chez elle ? Et oui, elle veut bien le pratiquer à la maison. Lors des séances préliminaires, madame s’entraine sur le chemin de la transe, à utiliser des signes idéomoteurs, à laisser léviter la main.

Et commence le travail de… « relaxation ».

Après l’induction, je demande à madame H* de rentrer à l’intérieur d’elle, de rentrer chez elle, et dès qu’elle y est, de le signaler… oui.

que pendant qu’une de ses mains peut devenir légère et active, comme elle sait le faire, elle peut commencer à procéder à un examen approfondi de l’état de propreté de l’appartement…

sa main gauche monte au fur et à mesure, bien, très bien…

et que dès que ses doigts ont senti un peu de poussière, elle peut le signaler…

et quelques instants plus tard, elle le signale…

Et je l’invite à sentir la peau du bout des doigts, un peu âpre et sèche…

et elle peut sentir l’angoisse monter, monter, monter encore un petit peu, tout en restant supportable…

et dès elle est plus forte, forte, encore plus forte… au plus fort possible, mais pas au-delà du supportable (un petit peu de sueur perle sur sa lèvre), qu’elle le signale.

Je l’invite à ouvrir les yeux quelques instants et regarder sa main (qui lévitait) aux doigts sales…  – madame ouvre les yeux, regarde les doigts – et à fermer les yeux et se permettre de se détendre… pendant que cette main descend tranquillement, à son rythme…

A la fin de la séance madame se souvient très bien d’avoir vu ses doigts sales – et me dit qui c’était vraiment horrible de les voir souillés sans s’en occuper, mais qu’elle a pu le faire parce que c’était un court moment.

Pour la pratique à la maison, je lui dis que dès que les prémisses de l’angoisse lui viennent, c’est le moment propice pour s’entrainer à faire monter la tension pour provoquer la détente subséquente.

Elle doit s’installer pendant quelques minutes, respirer, aller à l’intérieur d’elle, permettre à sa main de se lever pour marquer le degré de tension qu’elle devrait faire venir, et cela pourrait nous être utile que de l’autre main, rapidement et sans même regarder, (qu’) elle puisse noter les idées qui lui viennent, en vrac et sans jugement, toutes ces choses à l’intérieur de l’angoisse. Qu’elle peut laisser à disposition le matériel nécessaire. Et dès qu’elle sent que le niveau de tension est au plus fort, elle peut bien sûr rester encore un court instant et ensuite laisser la main descendre et l’apaisement s’installer.

Étonnement des choses très concrètes lui sont venues lors de ces exercices :

– Comment ferait-elle pour retourner sur le marché du travail ?

– Comment résoudre les conflits avec sa fille adolescente ?

– Fallait-il investir l’argent qui lui restait ? Et si oui, comment ?

Et c’étaient autant de sujets qu’elle a pu commencer à traiter, certains au cabinet. Entretemps elle continuait à faire ses exercices – quand l’angoisse arrivait, la laisser monter, l’observer, l’épouser, l’écouter, et ensuite, s’apaiser… (je ne lui précisais pas comment – ménage ou pas ménage, juste… s’apaiser). Dès la troisième séance madame me dit que ce programme de relaxation porte ses fruits – elle se sentait mieux et à plusieurs reprises oubliait, ou ne ressentait pas la nécessité de nettoyer après l’exercice. Doucement, je lui dis – et elle a ri. Cet accompagnement n’a pas duré 15 jours, n’en déplaise au surnom « thérapie brève » qui est parfois extorqué… plusieurs mois ont été nécessaires. Le changement de son contexte de vie a nécessité d’autres adaptations et l’ancienne manière d’évincer les préoccupations n’était plus ajustée. M’appuyer sur sa demande initiale, mais stratégiquement, en évitant de l’aider à éviter ce qui la hantait, lui a permis de faire son propre chemin, même si j’imagine que sa maison est toujours plus propre que la mienne ! Au fur et à mesure les relations avec sa fille se sont pacifiées, elle a recommencé à avoir des activités, à sortir et à rencontrer des personnes, à rechercher des pistes professionnelles, une certaine confiance s’est installée.

Lors de notre séance de clôture, elle traduit d’elle-même le processus duquel elle avait été prisonnière :

« Je nettoyais pour me sentir mieux, mais en fait, je ne faisais que balayer la saleté sous le tapis, hein ? Jusqu’à ce que je me prenne les pieds dedans ! Maintenant je m’occupe pour du bon, et tant pis s’il y a un peu de poussière de temps en temps à la maison… »

Monsieur J*

Monsieur J*, la petite trentaine, vient consulter pour des idées envahissantes, des idées « terribles » qui lui font horreur. Il vit avec sa femme, ses parents et son frère dans une grande maison en banlieue. Il travaille dans la menuiserie familiale avec son frère et deux autres personnes, son père à la retraite vient parfois aider. C’est un travail qu’il aime mais qui est devenu harassant depuis un certain temps – ils ont affronté une crise financière et il doit travailler bien plus qu’avant – la situation est tendue mais il fait face en travaillant les week-ends et tard dans la soirée.

Un jour pendant qu’il travaillait, sans qu’il sache comment, une idée s’est insinuée dans sa tête : il avait à la main un couteau et s’est dit qu’il pouvait bien tuer quelqu’un avec. Il a levé le regard et a vu son frère et son père. Il s’est surpris à imaginer la scène du carnage qu’il pourrait provoquer et un frisson l’a parcouru. Depuis, ces images reviennent souvent. Il fait tout ce qu’il peut pour ne pas penser à cela, mais, comme il me dit, « ces idées ont colonisé mon cerveau ».

Il ne comprend pas ces pensées, il n’a jamais été violent, et n’a pas de problème particulier avec sa famille. Mais depuis il doute de lui, se demande ce que lui arrive, est-ce qu’il devient fou ?

Il s’écarte de plus en plus de ses proches, il éprouve la crainte grandissante d’un jour passer à l’acte. Il évite surtout de manger avec eux, d’être en leur présence quand des objets contondants sont à portée de main – comme il travaille dans un atelier, ce n’est pas facile.

Alors il « coupe le contact, chante dans sa tête » quand il est au travail, pour ne pas y penser, et commet des erreurs. Tard le soir, plutôt que de rentrer chez lui, il va encore faire un jogging pour éviter de partager la soirée avec sa famille, pour tenter de ne pas y penser, pour se défouler… et se fatiguer pour pouvoir dormir.

Plus monsieur J* tente de ne pas y penser, et plus les pensées sont présentes. Une idée fugace, qui aurait pu s’en aller comme elle est venue, prend corps à chaque fois qu’il se débat contre lui–même si on le comprend de le faire ! S’isoler de sa famille lui envoie aussi des messages étranges – plus il tente de protéger l’entourage par ce moyen, plus il se perçoit comme un risque pour eux (s’il s’écarte c’est qu’il est dangereux) et plus il pense pouvoir finalement pouvoir passer à l’acte…

J’invite monsieur J* à faire cette expérience difficile : « Explorons ces pensées, pour vous aider je vais vous demander de dérouler ce filme terrifiant afin de bien comprendre… et je sais que ce sera dur », mais ce monsieur me dit qu’il est prêt à fournir tous les efforts… et ainsi nous débutons lentement une séance d’hypnose où il est incité à se plonger dans sa pire crainte… perdre le contrôle de lui-même, blesser, tuer quelqu’un.

Et je l’accompagne pas à pas en me fiant au récit qu’il m’a fait, étape après étape, rentrer dans l’atelier à telle heure du jour, voir les autres penchés sur les établis à travailler, s’emparer du couteau – et son visage commence à s’assombrir, il transpire et remue – s’approcher par derrière, entourer le cou de son frère, de son père, lever le couteau… et à ce moment il s’écrie ‘je ne peux pas’, il ouvre les yeux et en sortant de la transe il tombe en pleurs et est tellement surpris de lui-même, de ses mots, de ses sensations, qu’il me regarde et entre les larmes il commence à rire – quel recadrage incroyable pour lui – il ne peut pas tuer quelqu’un !

Cette confrontation avec le scénario redouté (et évité) a marqué une étape décisive de la thérapie. Affronter le pire a été une expérience forte, émotionnelle et correctrice de sa perception de lui-même.

Je lui demandé par la suite de faire chez lui tous les jours ce même exercice, aller au pire du pire du pire, laisser venir ces idées dans un moment qu’il choisirait, et même les convoquer. Cette tâche très désagréable a été plus facilement acceptée après avoir été faite en séance. Laisser venir ces images de meurtre et les examiner – plutôt que de tenter de lutter contre, ce qui n’avait fait que l’obséder d’avantage – a eu pour effet qu’elles le parasitaient de moins en moins.

Il a eu moins besoin de s’isoler de sa famille, et à ce sujet d’autres points qui lui posaient question sont apparus. Nous avons continué à travailler ensemble, sur comment s’approprier ces moments où une tension apparaissait, d’apprendre à déverser cette colère larvée qui se manifestait finalement par des pensées « extrêmes » comme il le dit, et trouver des manières possibles pour lui de régler certains conflits esquivés dans le quotidien. Au fur et à mesure les pensées ont cessé de lui faire peur, jusqu’à disparaître, et les relations familiales ont trouvé un équilibre différent qui lui a mieux convenu.

Madame X*

Madame X*, près de la soixantaine, me raconte qu’elle souffre d’une maladie chronique rare et qu’elle ne doit pas manger certains aliments, qui sont pour elle du poison. Mais qu’elle a une envie terrible de ces aliments, et elle explique cette envie comme « un besoin de me saboter, de me détruire, comme si je devrais me rendre malade pour me sentir vivre ! C’est un ennemi, un ennemi que je n’arrive pas à combattre ! »

Elle me demande, est-ce que, comme d’autres qui font de l’hypnose pour arrêter de fumer, elle pourrait le faire pour arrêter de manger ces terribles poisons ? Ce sont les viennoiseries, surtout des croissants, et elle m’explique que c’est plus fort qu’elle – si elle arrive à se retenir pendant quelques jours, jamais plus que quatre, ensuite elle doit en manger trois ou quatre ou plus d’affilé, et se rendre malade, passer la journée à vomir et à avoir mal… elle se jure alors de ne plus recommencer, et le croit, tant elle paye cher ses crises, mais ensuite une envie irrépressible la prend et tout recommence…

Alors nous en avons discuté et convenu que les ennemis les plus redoutables, quand nous ne pouvons pas nous en débarrasser, il faut s’en approcher, mieux les connaître pour pouvoir les contrer.

Et débute un moment hypnotique, « je vous invite à prendre cette viennoiserie, sentir le gras du bout des doigts, regarder sa couleur dorée, la humer… Et commencer à déguster délicieusement, voluptueusement ce croissant croustillant, doré et parfumé, et vous pouvez le sentir, n’est-ce pas ? La croquer et entendre sous la dent ce bruissement particulier, et ensuite commencer à l’humidifier, la laisser se dissoudre dans votre bouche, et peut-être que vous préférez coller cette bouchée contre votre palais pour profiter encore plus pleinement de sa texture beurrée, de son goût inimitable, ou peut-être que vous choisissez de la mâcher pour en extraire toute sa douceur délicatement caramélisée… ou encore une autre manière bien à vous de permettre de l’incorporer à vous… »

Madame X* a dégusté devant moi ce croissant si interdit… et recherché. Je pouvais voir sa déglutition, ses narines dilatées et un sourire se dessiner. Elle s’est sentie très apaisée de pouvoir le faire… avec l’aval d’une professionnelle ! Tant de personnes, la nutritionniste, le médecin, même son mari la mettaient en garde, l’enjoignant à arrêter. Ce qui l’amenait souvent à manger vite et en cachette.

Cela lui est venu, elle me raconte juste à l’issue de la transe, que la dernière fois qu’elle avait « transgressé » c’était à l’issue une visite pénible à quelqu’un de sa famille, qui avait servi un tout petit repas diététique, et qu’elle s’était dit : ce n’est pas grave, en sortant, je mangerai un croissant… et se dit que finalement, ce n’était pas tant qu’elle devrait se faire du mal, mais plutôt qu’en mangeant ces choses, elle tentait de s’apporter un peu de douceur, qui lui avait manqué enfant. Sa mère l’avait privée des petits plaisirs et la vie avait souvent été dure.

Cette expérience au cabinet a permis de donner suite dans l’accompagnement à une prescription bien particulière : cette douceur, elle devrait se l’accorder chaque jour, en mangeant tous les jours un croissant – pas n’importe lequel, le meilleur, de sa boulangerie favorite, et pas n’importe comment, mais accompagné de son thé préféré, en dégustatrice. Elle devrait être pour elle-même cette bonne mère nourricière capable de lui donner le meilleur. Les yeux brillants, elle m’a dit que ce serait un exercice bien agréable.

Au retour de ce travail, madame X* me raconte que dès les premiers jours elle avait eu moins envie de ces croissants, et comme elle devait respecter ce qui lui avait était demandé, parfois elle les remplaçait par une autre douceur, est-ce que c’était correct ? Oui, c’était bien cela, s’accorder chaque jour ce quelque chose de bon, qui lui fasse envie… Elle a continué à le faire tous les jours, consignant dans un petit carnet la bonne chose qu’elle mangeait, et les crises se sont arrêtées. Ce croissant unique portait peu d’atteinte à son organisme, et au fur et à mesure il n’était plus journalier. Comme il était à elle, dès qu’elle le voulait, l’attrait de l’interdit n’agissait plus, et l’appétence pour l’aliment a diminué. La prescription du symptôme l’a aidée à sortir du cercle « plus je m’interdis, plus je craque et plus je dois m’interdire… »

Voilà pour ces partages d’expérience clinique.

Que la transe soit formelle, ritualisée, ou plutôt conversationnelle, quelque chose de souple et naturel, ondulant, où vous pouvez sentir ce moment de plus grande réceptivité pour vous y appuyer et continuer avec le langage favorisant… qu’importe. Tout dépend des interactions entre le patient et le thérapeute, des représentations de chacun, et de ce qui semble le plus « écologique » dans la situation.

Sachons nous appuyer sur les toutes branches que les personnes amènent…

Un article de Vania Torres-Lacaze, tiré d’une conférence d’août 2015 donnée dans le cadre du Congrès de la Confédération Francophone d’Hypnose et de Thérapies Brèves.

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